Dette déshonorante : les raisons pour lesquelles les emprunteurs ne sont pas juridiquement tenus de rembourser les prêts bancaires

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J’ai l’intention de faire le peu qu’un homme puisse faire pour éveiller la conscience publique, et entre-temps, sachez que vos menaces ne m’effrayent pas. Je n’ai pas le physique d’un géant ; comme tout autre homme raffiné, je suis dérangé par la douleur, la saleté, la vermine et l’air sale ; de plus, j’admets volontiers que j’ai les nerfs à fleur de peau lorsque j’aperçois une centaine de policiers disséminés un peu partout dans la rue avec leurs revolvers sortis, et ceci afin d’empêcher quelqu’un d’entrer dans une propriété privée pour entendre ma voix faible. Mais j’ai une conscience ainsi que la foi religieuse, et je suis conscient du fait que nos libertés ne furent pas gagnées sans souffrir et peuvent être perdues à nouveau par notre lâcheté. J’ai l’intention de faire mon devoir envers mon pays. [i]

– Upton Sinclair, Lettre au Chef de Police de Los Angeles, 17 mai 1923

« Les loups ne se mangent pas entre eux », dit un proverbe ; mais ce proverbe ne dit vrai que pour 99% des loups.

Hélas, il existe une minorité de loups qui n’ont pas d’honneur : ceux qui créent 97% de notre monnaie – sous forme de dette – par le biais de la magie comptable par partie double.

Le montant total de la dette contractée à travers le monde entier a tellement augmenté qu’il est impossible aujourd’hui de rembourser cette somme, et ceci grace à une touche de magie supplémentaire apportée par le mécanisme des intérêts composés. Même si, à vrai dire, il a toujours été impossible de rembourser cette dette, car elle ne pourrait être remboursée sans que toute la ‘monnaie’ soit éliminée.

Comme l’ont dit deux autorités en la matière – l’un, le Grand prêtre, et l’autre, un simple diacre de la Réserve fédérale – pendant la Grande Dépression :

S’il n’y avait pas de dettes dans notre système monétaire, il n’y aurait pas d’argent. [ii]

Si tous les emprunts bancaires avaient été remboursés, personne ne disposerait d’un dépôt bancaire, et il n’y aurait pas un billet de banque ou une pièce de monnaie en circulation. Quand on y pense, c’est quand même étonnant. Nous dépendons entièrement des banques commerciales pour notre argent. Quelqu’un doit emprunter chaque dollar en circulation, en liquide ou à crédit. Si les banques créent suffisamment de monnaie synthétique, nous sommes prospères ; sinon, on meurt de faim. Nous n’avons absolument pas de système de monnaie permanente. Lorsqu’on saisit cette idée, on aperçoit l’incroyable et tragique absurdité de la position désespérée dans laquelle on se trouve. C’est le sujet le plus important qu’une personne intelligente puisse étudier et méditer. Un sujet si important que notre civilisation actuelle risque de s’effondrer à moins qu’il soit largement compris et les défauts remédiés au plus vite. [iii]

Si vous n’étiez pas auparavant au courant des pseudo-réalités illogiques, paradoxales et circulaires qui découlent de la comptabilité par partie double, bienvenue au pays des chiffres.

Même s’il s’agit bien de la vérité objective, de la réalité irréfutable du fonctionnement de ce système monétaire fondé sur la dette, la plupart d’entre nous continuent de croire en l’impossible.

C’est-à-dire que nous continuons de croire – à tort – que nous sommes tenus d’honorer nos dettes.

Comme nous l’explique David Graeber, le célèbre anthropologue américain et auteur du livre Dette :

Cette notion provenant du bon sens, non seulement qu’il est moral de rembourser une dette, mais aussi que la moralité est essentiellement une affaire de remboursement de dettes, peut amener les gens à justifier des choses qu’ils ne penseraient jamais justifier en aucun cas et aucune circonstance. [iv]

Selon l’économiste et historien Michael Hudson, les banquiers sont au courant de cette découverte anthropologique depuis au moins les années 1980 :

Ils s’aperçurent que les pauvres sont honnêtes. Les pauvres sont presque les seuls à croire qu’ils doivent rembourser leurs dettes. En fait, moins vous avez d’argent, plus vous croyez que les dettes devraient être remboursées. [v]

Il y a environ 2500 ans, l’homme largement reconnu comme étant la figure fondamentale de la science occidentale, de la philosophie, de la législation et des mathématiques a donné l’instruction suivante aux préteurs et aux emprunteurs :

On ne donnera pas d’argent en dépôt à une personne en qui on n’a pas confiance. On ne prêtera pas à intérêts, sinon, il sera permis à l’emprunteur de ne rien rendre du tout, ni intérêts, ni capital. [vi]

Il s’avère que Platon avait raison.

Tout emprunteur autour du monde pourrait – légalement – refuser d’honorer la totalité de ses dettes envers les banques.

La raison en est que – légalement – aucune banque ne nous a prêté de monnaie.

En fait – selon les banques elles-mêmes – toute monnaie que détiennent les banques leur a légalement été prêtée par nous.

Black’s, le dictionnaire juridique le plus utilisé aux États-Unis [vii], définit la « monnaie » ainsi (texte en italique ajouté) :

Un terme général, vague indiquant la mesure d’une valeur et sa représentation ; devise ; l’intermédiaire circulant ; argent liquide. La « monnaie » est un terme générique et englobe toute description d’une pièce ou d’un billet de banque reconnu par consentement mutuel comme étant représentatif d’une valeur en raison de sa capacité à effectuer les échanges de biens ou les paiements de dettes. Hopson v. Fountain. 5 Humph. (Tenn.) 140. La monnaie est utilisée dans un sens spécifique ainsi que général et plus élargi. Dans son sens spécifique, elle signifie ce qui est frappé ou estampillé par l’autorité publique, et sa valeur déterminée est fixée par les gouvernements. Dans son sens plus compréhensif et élargi, elle signifie la richesse. [viii]

Au lieu de nous prêter de la monnaie légale, les banquiers nous ont induits à louer un enregistrement d’une promesse de payer de la monnaie légale.

Ils nous ont induit à croire que leur enregistrement de leur promesse de nous payer de la monnaie est bien de la monnaie (substance juridique).

Ils nous ont également induit à croire que leur enregistrement de leur promesse de nous payer de la monnaie est bien notre monnaie (titre de propriété).

Et voici la vraie entourloupe : malgré le fait qu’ils prétendent nous avoir prêté toute cette monnaie, ils font valoir aussi, simultanément, grâce au paradoxe magique au cœur de la comptabilité par partie double, précisément le contraire : que nous leur avons réellement prêté toute cette monnaie.

(Nous reviendrons sur ce point lorsque nous adresserons la notion du “bail-in“).

La question se pose : “y-a-t-il quelqu’un qui possède vraiment de la monnaie ?”

Etant donné que la ‘monnaie’ que les banquiers prétendent nous avoir ‘prêtée’ – mais qu’en réalité nous leur avons prêtée – n’est pas de la ‘monnaie’ d’un point de vue juridique, et que nous ne savons pas à qui elle appartient, nous pouvons affirmer avec confiance que les banquiers :

  • ont déformé le signe, le contenu réel et la valeur réelle d’un élément de l’accord de prêt : la « contrepartie »,
  • se sont conduits d’une manière trompeuse quant à la rétention et / ou l’obscurcissement des informations clés relatives à leur capacité à respecter leur promesse de performance,
  • ont fait des déclarations et représentations trompeuses et faussées quant à leur incitation des emprunteurs à conclure un accord d’échange de performances mutuelles (“l’offre”),
  • ont échoué à respecter leur promesse de performance (“échec de l’examen”),
  • se sont conduits d’une manière fallacieuse quant à leur incapacité de respecter leur promesse d’exécution,
  • et ont gagné un avantage malhonnête («intérêt», «rendement», «retour») en perpétrant de tels actes trompeurs.

Comment est-ce possible ? Nos responsables de normalisation comptable et nos régulateurs gouvernementaux, ne sont-ils pas là pour empêcher de telles choses de se produire ?

Hélas, non.

Comme pour la comptabilité par partie double – la fondation magique sur laquelle se construit l’ensemble de l’édifice parasitaire de la finance mondiale – la vérité est exactement le contraire.

Depuis la « révolution des rapports financiers inaugurée par la montée en puissance de l’économie financière au cours des années 1960 » [ix] ainsi que « l’hégémonie croissante de l’idéologie néolibérale sur les politiques règlementaires introduites par Reagan et Thatcher » [x], les organismes de normalisation comptable et les autorités gouvernementales ont aidé et encouragé les banquiers à poursuivre leur conduite mensongère :

La domination croissante des idées économiques néoclassiques – des idées qui constituent le fondement intellectuel de la morale et la politique néo-libérale –  sur les sciences sociales et l’éducation commerciale, est bien documentée. (Ferraro, Pfeffer, & Sutton, 2005) [xi]

La transformation de la comptabilité en une sous-discipline économique néoclassique au sein de l’université (Reiter & Williams, 2002), qui fut accomplie par la révolution du reporting financier, a appauvri le discours comptable en tant que discours moral (Reiter, 1998, Williams, 2000) et a conduit à ce que la comptabilité soit perçue comme une pratique dont le but est de cohabiter avec un monde rendu naturel par le discours de l’économie néoclassique. [xii]

Depuis au moins quatre décennies, les spécialistes en comptabilité financière privée à but non lucratif (rions un peu), comme par exemple le Financial Accounting Standards Board (FASB) et le International Accounting Standards Board (IASB), ont continué à aider et à encourager activement la conduite trompeuse des banquiers, et cela en dépit 1) des scandales d’entreprises fréquents rendus possible par la comptabilité, 2) des crises financières qui en résultent, et 3) des révélations et des critiques souvent étonnantes que l’on peut trouver dans la littérature comptable évaluée par des pairs (texte en italique ajouté) :

Les faillites des caisses d’épargne américaines à la fin des années 1980 et 1990, les scandales d’entreprises telles que Enron, Global Crossing et Tyco, la disparition d’Andersen, ainsi que la crise des subprimes sont tous liés à la tromperie. Tous ces scandales impliquaient, à des degrés divers, le récit de contre-vérités comptables … [xiii]

Les représentations comptables sont justes si elles prédisent, ou si elles encouragent, le groupe privilégié à poursuivre ses objectifs, une notion tout à fait différente de celle impliquée par l’usage populaire … [xiv]

Beaucoup de signes comptables ne font plus référence à des objets ou à des évènements réels, et la comptabilité ne fonctionne plus selon une logique de transparence quant à la représentation, l’intendance ou l’économie d’information. [xv]

La comptabilité aujourd’hui ne se réfère plus à aucune réalité objective, mais circule plutôt dans une “hyper réalité” de modèles autoréférentiels. [xvi]

Le signe comptable précède (et crée par-lui-même grâce à sa « valeur de signe ») le référent qu’il prétendait représenter autrefois. Il ne fait plus abstraction ou apparence d’une chose « réelle ». Il est lui-même sa propre et pure simulation, faisant des références circulaires à d’autres modèles qui font eux-mêmes des références circulaires à des signes comptables. [xvii]

Ces désastres [Enron], sont-ils vraiment nécessaires pour que les comptables commencent à se rendre compte à quel point il est indispensable de distinguer la représentation conceptuelle (y compris les représentations comptables et les fausses représentations comptables) de la réalité à représenter ? [xviii]

Comme indiqué plus haut, environ 97% de la soi-disant ‘monnaie’ en ‘circulation’ (indice : la monnaie ne circule pas réellement dans le vrai sens du terme : elle disparaît quelque part par magie, puis elle réapparaît autre part par magie) n’est pas vraiment de la monnaie (« frappée ou estampillée par l’autorité publique »). C’est du ‘crédit’ créé par la banque.

En vertu de la loi, le ‘crédit’ bancaire est une fausse monnaie.

En fait, le ‘crédit’ bancaire n’est qu’un simple enregistrement comptable électronique par partie double reflétant une promesse de la banque de payer en vraie monnaie.

Cette réalité juridique objective n’a cependant pas empêché le FASB et le IASB d’aider et d’encourager les banquiers à faussement représenter un simple signe de monnaie comme étant de la vraie monnaie légale, et par conséquent, d’inciter les emprunteurs potentiels à former des accords de prêt qui n’ont d’autre but que d’enrichir les banquiers (« intérêt », « rendement », « retour ») sur la base de cette fausse représentation fondamentale.

Par exemple, à compter du 1er juillet 2009 – c’est à dire au milieu de la crise de liquidité bancaire mondiale – le FASB a institué la Accounting Standards Codification (Codification des normes comptables) §305 Cash and Cash Equivalents (Trésorerie et équivalents de trésorerie). Cette nouvelle norme a effectivement sanctionné – et obscurci – la conduite trompeuse des banques quant à la location d’enregistrements de promesses de paiement sous couvert de ‘monnaie’ (texte souligné et en caractères spéciaux ajouté) :

Trésorerie [en anglais, Cash]

Conformément à son usage courant, la trésorerie comprend non seulement l’encaisse, mais aussi les dépôts à vue auprès des banques ou d’autres institutions financières. La trésorerie comprend également d’autres types de comptes ayant les caractéristiques générales des dépôts à vue dans la mesure où le client peut déposer des fonds supplémentaires à tout moment et peut également retirer des fonds à tout moment sans préavis ni pénalité. Tous les frais et crédits rattachés à ces comptes sont des rentrées de fonds ou des paiements à la fois à l’entité propriétaire du compte et à la banque qui le détient. Par exemple, l’octroi d’un prêt par une banque en créditant les recettes au dépôt à vue d’un client est à la fois un paiement en liquide par la banque ainsi qu’un encaissement du client lors de la saisie.

Cette manière de codifier réellement (« sont », « est ») en tant que « trésorerie » l’enregistrement comptable de ‘crédits’ bancaires – soit l’enregistrement d’une promesse de paiement en liquide –  s’opère en contradiction avec la définition légale de la monnaie.

Un enregistrement électronique d’une promesse de paiement en liquide :

  • n’est pas  « une pièce de monnaie ou un billet de banque »,
  • n’est pas « frappé ou estampillé par l’autorité publique »,
  • n’est pas « une devise » ni de la « trésorerie », c’est à dire qu’il ne serait pas « reconnu par consentement mutuel » (dans le sens où l’entendrait le dictionnaire Black’s) comme étant une vraie « devise » ou de « l’argent liquide » (i.e., : pièces de monnaie, billets de banque, monnaies légales).

Dans une lettre ouverte adressée au FASB et au IASB datant de mai 2013, l’International Institute of Certified Public Accounting (IICPA) a fait savoir que cette codification des crédit bancaires électroniques en tant qu’argent liquide est en violation des Generally Accepted Accounting Principles (GAAP) et des International Financial Reporting Standards (IFRS) (texte en italique ajouté) :

Les dépôts à vue que le public entend par « avoirs en banque » [en anglais, cash in bank] sont comptabilisés et déclarés par les institutions financières monétaires (IFM) comme unités de compte via un processus de comptabilité par partie double que les IFM appellent « le prêt de titres » – mais qui est effectivement une nullité – en débitant le compte « prêts en cours » et en créditant le compte « dépôts à vue ».

Ces soi-disant unités de compte ainsi créées sont ensuite libellées à volonté en dollars, en livres sterling, en euros etc., selon les termes de la documentation ou du billet à ordre sous-jacent ou quel que soit le document juridique donnant lieu à ce type de « prêt », en utilisant le nom de la devise en question dans la juridiction dans laquelle se passe l’action ; mais l’on ne peut, en aucun cas, considérer les « dépôts à vue » comme ayant cours légal.

Ces soi-disant « prêts en cours » qui donnent lieu aux soi-disant « dépôts à vue »

  • ne sont pas des actifs au sens de ressources économiques,
  • n’ont pas la capacité de générer d’éventuelles entrées de trésorerie (espèces ayant cours légal ou monnaie centrale, les soi-disant fonds fédéraux),
  • sont créés à l’intérieur de la banque et, par conséquent, sont en violation de l’auto-négociation,
  • n’ont aucun coût,
  • n’ont aucune valeur marchande, sauf en cas de cession contre des nullités similaires en destination ou en provenance d’autres IFM qui n’ont jamais été réglées en monnaie légale ou en monnaie centrale. [xx]

Si cela ne suffisait pas, il y a plus grave encore :

Étonnamment, l’ASC §305-10-55-1 de l’FASB intitulé Implementation guidance (Guide mise en œuvre) va encore plus loin dans l’impossibilité – sans parler d’amoralité –  logique et juridique en indiquant ce que « doivent » recevoir les clients de la banque par rapport à la soi-disant « trésorerie et les équivalents de trésorerie » (texte souligné et en italique ajouté) :

Le déposant doit considérer la trésorerie en dépôt dans une institution financière comme étant une somme d’argent liquide plutôt qu’un montant au déposant.

Cette manière de codifier la façon dont le grand public « doit » considérer leur soi-disant « trésorerie en dépôt » – ce travail de codification, effectuée par une organisation de normes comptables financières non élue, privée, et à but non-lucratif – va manifestement à l’encontre

  • de la définition juridique de la « monnaie »,
  • de la compréhension commune de l’expression « argent liquide » en tant qu’entité tangible créée par le gouvernement (c’est à dire les billets et des pièces de monnaie a cours légal),
  • des enregistrements propres au bilan des banques, qui affirment que tous les « dépôts » de clients sont des passifs (i.e., des montants dus aux clients)
  • de la perception des banques quant au titre de propriété (la réclamation) sur cette soi-disant « trésorerie » (une perspective soutenue, d’ailleurs, par le Financial Stability Board dans son « régime de résolution » du G20 en prévision des « mauvais » bail-ins bancaires).

Les implications de ces faits sont inquiétantes.

La FASB a codifié ex post facto que les banques peuvent considérer les crédits bancaires (un compte rendu d’une promesse de verser de l’argent) comme étant de l’argent liquide à des fins comptables; que les clients « doivent » percevoir les ‘crédits’ bancaires en tant qu’« argent liquide » (physiquement réel) ; et que ce ne sont pas des sommes qui leur sont dues par la banque, indépendamment du fait que si les banques ont respecté (ou respecteront) leurs obligations juridiques conformément au droits des contrats.

Alors que le FASB pourrait s’imaginer capable, sans aucune implication pratique ou juridique, de décréter de façon subreptice comment des centaines de millions de « déposants » « doivent » percevoir leur « dépôt », en vérité, une contradiction immédiate et des conflits d’intérêts critiques se présentent.

La norme instituée par l’FASB intitulée Trésorerie et équivalents de trésorerie ASC §305 n’est même pas conforme aux règles de la comptabilité par partie double, et encore moins à la compréhension commune de l’expression « cash ». En raison du fait que cette norme met en évidence les déclarations ainsi que les représentations trompeuses et faussées des banques quant à la constitution de contrats de prêt, elle comporte des implications potentiellement importantes en ce qui concerne le statut juridique des revendications des banques et le remboursement de la « contrepartie » (et, en plus de cela, des intérêts composés) par l’emprunteur.

Le schéma ci-dessous illustre ce point en représentant toutes les perspectives (vues), les concepts, et les réalités inhérentes à la manière dont une vision basée sur la comptabilité par partie double tient « compte » de la relation entre la banque (le préteur) et le client (l’emprunteur). Tout en gardant à l’esprit qu’en principe – depuis l’époche des Stoïques – il est « indispensable » pour un discours philosophique et scientifique de différencier clairement la relation entre le signe (le son, symbole écrit, etc.), l’idée conceptuelle (le sens ou la signification) communiquée par le signe, et le Réel (l’objet réel, ou l’événement derrière le concept) [xxi], ces trois notions – « Signe », Concept, et (« Réel ») – forment chaque partie et chaque perspective issue d’un « échange » mutuel et juridiquement contraignant de promesses de paiement.

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Considérons attentivement ce qui suit :

  • Peu importe si l’on adopte la perspective du Préteur ou de l’Emprunteur, tout prétendu “argent liquide”, ou “dépôt à vue”, apparait uniquement comme un signe (un son, un nom, un symbole, c’est à dire une fausse représentation) d’une reconnaissance de dette du Préteur,
  • L’objet réel ou l’événement sous-jacent à l’existence présumée des « avoirs en banque » (ou du « dépôt bancaire ») est la reconnaissance de dette du Prêteur (sa promesse de payer) ; en d’autres termes, l’objet ou l’événement réel est la promesse de performance du Prêteur (la « considération ») [xxii], et non pas les « pièces et billets de banque » « frappés ou estampillés par l’autorité publique »,
  • Le signe (« avoirs en banque », « monnaie », « fonds », “$”, “€”, “£”, etc.) est erroné, trompeur, et faussé car le Prêteur le considère comme étant vraiment la réalité sous-jacente au lieu d’une simple représentation,
  • Le contrat de prêt est inapplicable étant donné que l’Emprunteur fut incité à accepter l’offre de contrat avec le Préteur sur la base de fausses représentations,
  • La reconnaissance de dette du Préteur est à la fois un actif de l’Emprunteur et un passif du Préteur (en contradiction avec §305-10-55-1)
  • Etant donné qu’un accord de prêt requiert, entre autres, l’échange de performances mutuelles, et que l’obligation du Prêteur est définie comme obligatoirement antérieure à celle de l’Emprunteur, l’enregistrement ainsi que la déclaration d’une reconnaissance de dette du Prêteur en tant qu’un passif démontre que le prêteur n’a pas respecté sa promesse de performance (« contrepartie »), c’est-à-dire de fournir à l’Emprunteur de la monnaie (« pièces de monnaie ou billets de banque » « frappés ou estampillés par l’autorité publique »); par conséquent, le contrat de prêt n’est pas exécutoire.

Il y a un dernier point à considérer.

Depuis le début de 2009, le Conseil de la stabilité financière (FSB) – un organisme non élu, présidé éternellement par des anciens de Goldman Sachs, et financé par la Banque des règlements internationaux (BRI) – a travaillé avec les gouvernements du G20 et les autorités de réglementation financière pour mettre en œuvre à l’échelle mondiale un « régime de résolution » bancaire. L’un des Attributs clés de ce régime est l’adoption d’une loi accordant aux gouvernements le pouvoir de « bail-in » les « dépôts » des clients bancaires afin d’économiser ou de rétablir une banque « défectueuse » ou une institution financière « d’importance systémique ».

Malgré le fait que tous les « dépôts à vue » furent créés ex nihilo par les banques en octroyant des « prêts » à des clients, et que ces dépôts sont inscrits au Passif du bilan comptable des banques (c.-à-d. en tant que monnaie toujours due au client), les banques ainsi que le régime de règlement bancaire mondial du FSB considèrent tout de même que le client est un « créancier » de la banque.

En d’autres termes, à l’inverse de ceux qui disent que la banque a prêté (mais n’a pas encore livré) de la ‘monnaie’ au client, la banque et le FSB estiment pour leur part que le client a prêté sa « monnaie » à la banque (notez la présomption implicite de propriété du client)

Croyez-le ou non, il existe une explication perverse, moralement odieuse et sans scrupules non seulement pour cela, mais aussi pour expliquer comment les banques, les autorités financières et politiques, et le FSB arrivent à “justifier” les préparations rampantes et d’envergure mondiale destinée à voler légalement les actifs en « dépôt » des clients bancaires (consulter le schéma plus haut).

L’omniprésent paradoxe des perspectives inhérent au principe de la dualité – un principe babylonien sur lequel repose la comptabilité par partie double – se situe au cœur de toute cette affaire.

Les banques sont en mesure de créer de la nouvelle (soi-disant) ‘monnaie’ ex nihilo grâce au processus de création de prêts. Etant donné que ce processus est enregistré par le moyen d’une écriture comptable par partie double, chaque nouveau prêt mène à l’inscription d’un nouvel Actif et d’un nouveau Passif aux bilans des banques.

Toutefois, étant donné aussi que les banques agissent à la fois en tant que nouveaux emprunteurs (ainsi, nouveaux créanciers) et en tant qu’intermédiaires financiers, il n’y a aucun moyen de désagréger le passif du bilan de chaque banque afin de distinguer clairement quels « dépôts » ont été produits en conséquence des (soi-disant) prêts octroyés par la banque elle-même, et quels « dépôts » proviennent de l’intermédiation de cette banque (c.-à-d. des ‘transferts’ de ‘monnaie’ d’un compte client à un autre compte client au sein de la même banque, ou, des comptes clients d’autres institutions financières aux clients de la banque).

Définir une unité de n’importe quel montant de « dépôt » comme « monnaie » prêtée à la banque par un client, ou prêtée par la banque à un client, requiert une certitude absolue par rapport à quand et comment chaque unité est enregistrée dans le compte client. Le seul compte client qui rend possible une telle certitude est un compte client créé par la banque au moment de la première création de prêt, et, avant que toute nouvelle entrée soit ajoutée ou soustraite de ce compte client, même pour une seule unité fractionnaire de la devise libellée.

Il y a une autre exception : un compte établi pour l’un des clients préférés des banquiers – les trafiquants d’armes, les cartels de drogue, les mafieux et d’autres organisations criminelles comme la CIA – dès que ce client remet à la banque des vrais billets de monnaie légale afin d’ouvrir le compte.

Or, vu d’une perspective plus complète du système bancaire, cela n’a pas vraiment d’importance, puisque même un transfert de monnaie entre deux banques a la même origine ultime : une création ex nihilo d’un enregistrement électronique de promesses mutuelles d’échange de monnaie. Donc toute soi-disant « monnaie » en « dépôt » appartient simultanément aux clients et aux banques.

(En passant, puisque la « monnaie » n’est qu’un enregistrement d’une promesse, et puisque nous achetons et vendons principalement  en entrant des « transferts » dans ces registres électroniques, alors à proprement parler, nous sommes tous des voleurs, car aucun d’entre nous ne paye autrui en monnaie réelle pour ses biens et ses services, à moins que nous convertissions en espèces « l’offre » (la promesse) de la banque de nous payer en monnaie réelle, afin de payer autrui en monnaie réelle – c.-à-d. des billets et pièces de monnaie légalement créés par le gouvernement).

Les banquiers, aidés et encouragés par le FASB, le FSB et al., résolvent cette contradiction de propriété en choisissant d’avoir le beurre et l’argent du beurre. C’est-à-dire que les banquiers profitent du paradoxe de la perspective intégré dans la comptabilité à double entrée, et décident arbitrairement qui sera considéré comme le véritable propriétaire de tous les « dépôts » (c.-à-d. qui sera débiteur et qui sera créancier), en fonction, bien sûr, de ce qui convient aux meilleurs intérêts des banquiers à tout moment.

Le statu quo est maintenu lorsque les choses vont bien. En effet, les banquiers considéreront votre compte de « dépôt » comme représentant de la « monnaie » qui vous appartient et qui vous sera due, et si possible, ils honoreront leur promesse de vous donner de l’argent liquide à cours légal (mais il y a des fortes chances qu’ils « transféreront » vos « crédits » au compte de quelqu’un d’autre).

Lorsque les choses vont moins bien, les banquiers considéreront votre compte de « dépôt » comme représentant un prêt de votre part à la banque … et donc, étant donné que vous n’êtes maintenant qu’un « créancier non garanti », ce que vous pensiez être votre « monnaie » dans la banque pourra être (et sera) dérobé légalement, afin de « bail in » les « mauvais » banquiers.

On pourrait bien se demander pourquoi les clients bancaires, généralement « peu sophistiqués » (c.-à-d. facilement induits en erreur et trompés), devraient être victimes de pertes ou de dommages découlant d’une malfaisance, d’un abus de pouvoir ou d’une omission délictueuse faite par des employés ou cadres supérieurs d’une « mauvaise » institution financière, et / ou de l’incapacité de ces employés à utiliser des systèmes et des méthodes de tenue de registres comptables adéquats permettant de distinguer clairement les actifs bancaires des actifs clients.

La réponse réside dans un postulat comptable avancé relativement récemment par les responsables de la normalisation, en conséquence de la prise de contrôle idéologique néo-libérale / néo-classique de l’économie, de la comptabilité et des rapports financiers. Cette idée merveilleusement orwellienne s’appelle “l’utilité décisionnelle” [en anglais, decision usefulness] (texte en italique ajouté) :

Les responsables de la normalisation considèrent que le critère primordial de l’utilité décisionnelle – un critère dont l’FASB et l’IASB définissent étroitement comme aidant à prédire les flux de trésorerie – a remplacé la véracité des rapports financiers en tant que fin en soi. La montée en puissance de l’utilité décisionnelle comme justification publique pour les actions du FASB a produit au sein de la profession une situation d’engagement simultané… à deux idées de vérité, souvent contradictoires[xxiii]

L’utilité décisionnelle a été, et continue d’être, appliquée en comptabilité pour justifier ses activités et pour légimiter la mise d’un accent particulier sur un discours comptable que nous considérons comme hautement problématique et compromettant gravement la comptabilité en tant que pratique éthique. [xxiv]

La vérité pose un vrai problème pour la comptabilité – un problème qui ne peut être si facilement traité par des appels à l’utilité décisionnelle. [xxv]

Les responsables de la normalisation ont remplacé une responsabilité à l’égard de la vérité par la notion d’utilité décisionnelle, ce qui, compte tenu de l’ambiguïté de cette notion, les déresponsabilise quant aux conséquences de leurs actes. [xxvi]

L’ancien gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mervyn King, a récemment publié un livre intitulé The End of Alchemy dans lequel il fait une remarque similaire (texte en italique ajouté) :

La réglementation est devenue incroyablement complexe, et de manière à ne pas aller au cœur du problème. … Une grande partie de cette complexité reflète une pression exercée par les entreprises financières. En encourageant une culture dans laquelle le respect de la réglementation détaillée est une défense contre une accusation d’actes répréhensibles, les banquiers et les régulateurs ont comploté et se sont entrainés dans une spirale de complexité autodestructrice. [xxvii]

Upton Sinclair a ainsi déclaré : ” Il est difficile de faire comprendre quelque chose à quelqu’un lorsque son salaire dépend du fait qu’il ne le comprenne pas”.

En effet, certains s’opposeront sans aucun doute à l’argument présenté ici – qu’il est légalement permis à tous les emprunteurs du monde de refuser d’honorer toutes leurs dettes envers toutes les banques du monde – et le rejetteront à priori d’une manière irréfléchi, péniblement superficiel et risiblement ironique en le qualifiant de « sémantique ».

Tout à fait exact.

La sémantique (du grec ancien : σημαντικός sēmantikós, “significatif”) est l’étude du sens. Elle se focalise sur la relation entre les signifiants – les mots, les phrases, les signes et les symboles – et leur dénotation, soit ce qu’ils représentent. [xxviii]

Cette affaire repose entièrement sur la question de la vérité. Plus précisément, l’argument juridique est basé sur notre capacité à démontrer que les banquiers ont déformé la vérité.

Quelle est la réalité réelle, soit l’objet ou l’événement réel, promise aux emprunteurs par les banquiers – c’est-à-dire quel est l’objet ou l’événement réel tel que les emprunteurs l’ont compris – et représentée aux emprunteurs en utilisant des signifiants tels qu’«argent», «espèces», «fonds», «crédit», «dépôt», «somme», «montant», «$», «€», «£», etc. ?

Y a-t-il ou n’y a-t-il pas eu des déclarations erronées, faussées et trompeuses quant aux représentations ou déclarations faites par les banquiers aux emprunteurs, afin d’inciter ces derniers à accepter la proposition de contrat ?

Les banquiers ont-ils fait des déclarations ou des représentations erronées, faussées ou trompeuses aux emprunteurs, de manière à obscurcir leur échec, leur échec potentiel, leur réticence potentielle, leur incapacité plutôt prévisible ou reconnue de respecter leurs promesses d’exécution ?

Et enfin, les banquiers ont-ils tiré un quelconque bénéfice (« intérêt », « rendement », « retour ») sur les emprunteurs en recourant à des déclarations ou des représentations faussées ou trompeuses ?

(Que Dieu accorde au lecteur la sagesse et une conscience saine pour juger avec soin et en prière la question pour eux-mêmes.)

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Cet essai est l’opinion de l’auteur. Aucune information citée ou implicite ne doit être interprétée comme étant un conseil juridique ou professionnel. Si vous avez des questions à l’égard d’une situation précise, veuillez consulter un conseiller juridique compétent.

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Colin McKay est un entrepreneur, écrivain et infatiguable défenseur de la décentralisation  bancaire. Après avoir vu son pays d’origine, l’Australie, se transformer en une économie de bulle à la Ponzi entièrement sous controle étranger et sous l’emprise de l’industrie des mines, des finances, de l’assurance et de l’immobilier, il a decidé d’établir une startup fintech de monnaie alternative.

Twitter : @DerorCurrency

Notes :

[1] Upton Sinclair, Wikiquotes, https://en.wikiquote.org/wiki/Upton_Sinclair, 8 May 2016

[2] Mariner S. Eccles, Chairman of the Federal Reserve, testimony to the House Committee on Banking and Currency, September 30, 1941, cited by G. Edward Griffin, The Creature From Jekyll Island(Third Edition, 1998), p. 188.

[3] Robert H. Hemphill, Credit Manager of the Federal Reserve Bank of Atlanta, foreword to Irving Fisher 100% Money (New York: Adelphi, 1936) p. xxii, cited by G. Edward Griffin, The Creature From Jekyll Island (Third Edition, 1998), p. 188.

[4] David Graeber, What We Owe to Each Otherinterview in Boston Review, February 15, 2012

[5] Michael Hudson, In Debt We Trust: America Before the Bubble Bursts, Media Education Foundation transcript (pdf), 2006

[6] Plato, Laws, Book VPlato in Twelve Volumes, Vols. 10 & 11translated by R.G. Bury. Cambridge, MA, Harvard University Press; London, William Heinemann Ltd. 1967 & 1968.

[7] Black’s Law Dictionary, Wikipedia,https://en.wikipedia.org/wiki/Black’s_Law_Dictionary, 4 May 2016

[8] What is Money?, Law Dictionary,http://thelawdictionary.org/money/, 4 May 2016

[9] Mohamed E. Bayou, Alan Reinstein, Paul F. Williams, To tell the truth: A discussion of issues concerning truth and ethics in accounting, Accounting, Organizations and Society, Volume 36 (2011), 109-124

[10] ibid.

[11] ibid.

[12] ibid.

[13] ibid.

[14] ibid.

[15] ibid.

[16] Norman B. Macintosh, Teri Shearer, Daniel B. Thornton, Michael Welker, Accounting as simulacrum and hyperreality: perspectives on income and capital; Accounting, Organizations and Society, Volume 25, Issue 1 (2000), 13-50

[17] ibid.

[18] Richard Mattessich, Accounting representation and the onion model of reality: a comparison with Baudrillard’s orders of simulacra and his hyperreality; Accounting, Organizations and Society 28 (2003) 443–470

[19] Positive Money, How Banks Create Money,http://positivemoney.org/how-money-works/how-banks-create-money/, 4 May, 2016

[20] Michael Schemmann (IICPA), Accounting Perversion in Bank Financial Statements — Demand Deposits Do NOT comply with IFRS (GAAP), 1 May 2013

[21] Richard Mattessich, Accounting representation and the onion model of reality: a comparison with Baudrillard’s orders of simulacra and his hyperreality; Accounting, Organizations and Society 28 (2003) p. 450-451, n. 12

[22] Note du traducteur :  Le principe de consideration en droit anglais est comparable à la notion de cause en droit français.

[23] Mohamed E. Bayou, Alan Reinstein, Paul F. Williams, To tell the truth: A discussion of issues concerning truth and ethics in accounting, Accounting, Organizations and Society, Volume 36 (2011), 109-124

[24] ibid.

[25] ibid.

[26] ibid.

[27] Mervyn King, The End of Alchemy, quoted in Bloomberg, The Book That Will Save Banking From Itself, 5 May 2016.

[28] Semantics, Wikipedia,https://en.wikipedia.org/wiki/Semantics, 8 May 2016